La découverte d'un dépôt d'armes et d'objets gaulois exceptionnels.
Le sanctuaire protohistorique se présente dès l'origine sous la forme d'un enclos cernant une plate-forme de 24 m de côté. Dans l'angle nord-est de la plate-forme sacrée, à proximité de l'angle du fossé d'enclos, une fosse peu profonde était remplie de près de 500 fragments d'objets métalliques de fer et de bronze constituant, à n'en pas douter, un dépôt cultuel d'armes et d'objets dont certains revêtent un caractère exceptionnel, voire unique dans le monde celtique. Les objets étaient imbriqués les uns dans les autres et visiblement "rangés".
Parmi les objets mis au jour au sein de ce dépôt, on a pu identifier un certain nombre d'armes de fer souvent incomplètes, dont des épées, des fourreaux, des fers de lances et un umbo de bouclier. Bien que les épées et les fourreaux soient très fragmentés, certains ont visiblement été brisés en deux et les morceaux disposés en faisceau le long des parois de la structure. Quelques fourreaux ont été davantage tordus ou enroulés.
Au total, dix casques ont été mis au jour, dont neuf en bronze et un en fer. L'un des casques avait la particularité d'être surmonté de trois grands anneaux de bronze disposés en triangle. Un autre, très bien conservé, avait la forme unique d'un cygne. Enfin, le casque en fer conservait son cimier en bronze décoré et était couvert sur son pourtour de plaques de bronze ornées selon le style plastique.
Un chaudron muni de deux anneaux de suspension a été découvert dans un angle de la structure. Une tête de cheval, en tôles de bronze repoussées, a été découverte ainsi que celle d'un autre animal non identifié. Accompagnant ces têtes, plusieurs tôles de bronze assemblées ou non, prenaient la forme de portions de corps ou de pattes d'animaux. On ajoutera à l'ensemble de ces objets, des mors à chevaux, des disques en bronze (phalères ?) et de nombreux autres qui n'ont pas encore trouvé d'interprétation satisfaisante.
Enfin, les éléments, les plus extraordinaires de par leur rareté, gisaient sur le fond de la structure. Il s'agit de sept carnyx, ces trompettes de guerre celtiques que l'on connaît principalement par des représentations (en particulier sur le célèbre chaudron de Gundestrup) et par quelques découvertes. En effet, jusqu'alors, seuls deux pavillons de ce type d'instrument avaient été mis au jour dans le monde celtique, l'un en Ecosse, à Deskford, et l'autre sur le sanctuaire de Mandeure, dans le Doubs.
Ces trompettes, tenues verticalement, ont la caractéristique de mesurer près de deux mètres de long, d'être constituées de plusieurs tubes droits emboîtés et de se terminer, en partie supérieure, par un pavillon à angle droit en forme de gueule d'animal, par la bouche duquel s'échappait le son. Les diverses représentations connues montrent quasiment toutes des hures de sangliers. Et en effet, quatre des sept trompettes se terminaient par des gueules de sangliers stylisées constituées de tôles de bronze assemblées et deux autres par des hures très réalistes, en bronze coulé, avec la gueule grande ouverte. Une tête de serpent agrémentait la dernière dont la fabrication semblait très différente.
Les têtes de sangliers étaient munies d'oreilles démesurées en tôles de bronze qui devaient avoir un rôle acoustique. De telles oreilles avaient également été découvertes sur le site de La Tène ou à Mandeure mais n'avaient pas alors été interprétées comme telles. Tous ces instruments ont été déposés après avoir été désassemblés, brisés, voire sciés, en plusieurs grands morceaux.
Le caractère guerrier de la plupart des objets découverts ne peut être remis en question. On peut imaginer que ces éléments ont seulement été exposés sur le sanctuaire ou utilisés au cours de cérémonies guerrières et qu'ils ont été enfouis en guise d'offrandes aux divinités, ou alors dans une période où le culte était menacé. En effet, certains casques paraissent plus adaptés à l'apparat ou au culte qu'au combat proprement dit.
Le dépôt de Tintignac, unique en son genre, constitue la seule découverte récente de carnyx dans un contexte cultuel désormais bien appréhendé. Il devrait captiver nombre de spécialistes, français et étrangers, de la civilisation celtique et va largement contribuer à la connaissance de certains aspects de cette période à l’échelle européenne. Son caractère exceptionnel renforce encore l’intérêt de ce site qui deviendra, rappelons-le, à l’époque gallo-romaine, un vaste ensemble monumental, le plus important du Limousin.
Par C.Maniquet , archéologue à LINRAP